La valeur d’un enregistrement vocal comme preuve
Décrypter Famille Entreprise NumériqueModifié le 20 juin 2024 par Julie
Besoin de faire appel à un professionnel du droit ?
Vous êtes en litige avec une personne : votre ex-conjoint, votre voisin, votre employeur. Cette situation amène régulièrement des échanges par téléphone ou en présentiel peu cordiaux, voire menaçants, ou reconnaissant une faute et une mauvaise foi de la personne.
Sur conseils de vos proches et afin de vous retourner contre cette personne et de faire valoir vos droits, vous avez décidé d’enregistrer vos conversations. Mais l’enregistrement audio est-il reconnu comme preuve par la loi, devant le tribunal ? Si oui, dans quelles conditions ?
On fait le point sur ce sujet et on tente de démêler pour vous les méandres du système juridique français.
Qu’est-ce qu’un enregistrement vocal ?
Définition
Un enregistrement vocal représente une capture audio d'une conversation ou d'une déclaration, générée à l'aide d'un dispositif d'enregistrement.
Selon le Larousse, l’enregistrement permet de “consigner une information en vue de la conserver”.
Remis dans notre contexte, un enregistrement audio permet donc de garder une trace d’un échange afin de pouvoir s’en servir ultérieurement dans le cadre d’un éventuel litige, devant la cour.
Pourquoi utiliser un enregistrement audio comme preuve ?
Les enregistrements audio sont utilisés pour corroborer des témoignages, établir des faits ou révéler des intentions.
💡 À noter : La pertinence d’un enregistrement vocal, aux yeux de la loi, réside souvent dans sa capacité à établir un récit ou valider une version des faits. Sa légalité et son acceptation comme preuve varient toutefois largement selon les juridictions et le contexte. N'hésitez pas à vous rapprocher d'un avocat ou d'un commissaire de justice pour savoir si votre conversation est un document qui peut servir de preuve.
La problématique de la fiabilité de la preuve
Méthode d’enregistrement
L’essor des nouvelles technologies rend l’enregistrement audio très facile et accessible. Il suffit d’activer la fonctionnalité dictaphone de son smartphone. Dès lors qu’une conversation devient litigieuse, il est possible de sortir son téléphone et d’enclencher la fonctionnalité afin de récolter une preuve utilisable par la suite si besoin. Il est même possible d'écouter facilement sa messagerie vocale depuis un autre appareil si besoin, comme l'explique ce guide du site Echosdunet.
On est donc bien loin des techniques que l’on pouvait voir dans les films d’espionnage il y a quelques années, avec des micro cachés sous les vêtements dans le but d'enregistrer une personne en secret…
Qualité et clarté de l’audio pour une utilisation dans une procédure
L’audio doit être suffisamment clair et audible pour être considéré comme un élément probant.
Par ailleurs, si vous décidez de faire constater un enregistrement audio par un commissaire de justice, par exemple sur conseils de votre avocat, il est nécessaire de que ce ou ces vocaux soient de bonne qualité afin que l’huissier puisse le.s retranscrire parfaitement. En effet, il engage sa responsabilité en tant qu’officier ministériel en effectuant ce constat. Il risque de ne pas pouvoir dresser un procès-verbal si les enregistrements sont coupés, avec des bruits parasites, des bruits de fonds, ce qui peut rendre la compréhension difficile.
Constater un enregistrement audio
Intégrité de l’enregistrement
Cela paraît évident, mais nous le précisons tout de même. L'enregistrement ne doit pas montrer de signes de manipulation ou d'altération pour rester fiable. Nous verrons plus loin dans l’article les conséquences si cela se produit.
Légalité d’un enregistrement vocal
Droit à la vie privée et consentement des parties enregistrées
Selon l’article 9 du Code civil : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».
L’article 226 du Code pénal détermine qu’il est interdit d’enregistrer une personne sans son consentement, dans un cadre privé ou confidentiel, et fixe des sanctions pénales, le cas échéant. Tout avocat ou professionnel du droit, vous citera cet article si vous souhaitez utiliser cet article devant la cour.
💡 À noter : la condamnation peut aller jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 45000€ d’amende
Depuis le 1ᵉʳ aout 2020, cet article a été amendé pour intégrer en complément l’interdiction la localisation d’une personne.
Une précision importante est apportée sur le fait que si la personne est consciente et ne s’oppose pas à un enregistrement, alors le consentement est présumé.
En revanche, si vous recevez des vocaux via des applications comme WhatsApp ou laissés sur votre messagerie vocale, sachez que ces enregistrements sont parfaitement recevables en tant que preuve, car ils ne sont clandestins. L’expéditeur est conscient des propos qu’il a laissé sciemment par oral sur votre téléphone. Attention, dans ce cas précis, tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous.
Dans quel cas utiliser un enregistrement vocal comme preuve ?
Le droit applicable aux enregistrements audio varie selon les juridictions. C’est ce que nous allons aborder maintenant.
Enregistrements vocaux dans les affaires civiles
Sachez que si vous engagez une procédure devant le tribunal judiciaire, pour un litige civil ou commercial, l’utilisation d’un enregistrement audio “clandestin”, c'est-à-dire sans que la personne adverse en soit informée, n’est pas possible.
Même constaté par un commissaire de justice, cette preuve sera rejetée par le juge, car considérée comme déloyale.
N’hésitez pas à parcourir notre article dédié à la valeur du constat d’huissier pour connaître tous les détails sur la loyauté d’une preuve.
Le tribunal rejettera votre preuve en application de l’article 9 du Code de procédure civile qui précise qu’“il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention”.
Enregistrements dans les litiges familiaux et de garde d'enfants
Il arrive fréquemment que des personnes nous appellent afin de faire constater des enregistrements audios de leur ex conjoint leur refusant un droit de garde ou admettant avoir falsifié des documents… Les justiciables pensent donc être dans leur droit en apportant la preuve de la mauvaise foi de leur ex-partenaire devant le Juge aux Affaires Familiales (JAF).
Mais ces enregistrements, s’ils sont effectués sans en informer l’autre personne, seront jugés “clandestins” et risquent donc d’être rejetés par le juge.
L’exception du cadre pénal
L’article 427 du Code de procédure pénale change drastiquement les règles en matière de preuve, par rapport au Code de procédure civile, puisqu’il établit que “les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction”.
Un enregistrement audio peut donc être reçu comme preuve si ce dernier permet d’identifier l’auteur d’infractions. Dans ce cas, la valeur probante de l’enregistrement reste à la libre appréciation du juge.
En synthèse, nous vous conseillons de vous rapprocher d’un professionnel du droit, tel qu’un avocat ou un huissier de justice, afin de savoir si l’enregistrement audio en votre possession pourra être utilisé dans le cadre d’un litige. Un commissaire de justice pourra alors le constater dans le but de lui conférer une valeur irréfutable devant le tribunal.
Constater un enregistrement audio