Créer une étude de commissaire de justice
Portrait d'huissier Témoignage HuissierModifié le 12 juin 2023 par Nadege
Besoin de faire appel à un professionnel du droit ?
Nouveau portrait de notre série dédiée aux Femmes et aux Hommes qui se sont lancés dans la vie active en tant que Commissaire de justice (ex-Huissier de justice). En créant son étude, un Commissaire de justice passe par les mêmes étapes que n’importe quel entrepreneur. Il lui faut trouver des financements, développer son activité et pérenniser la relation avec ses clients.
Aujourd’hui, nous échangeons avec un jeune commissaire de justice agé de 27 ans, à la tête de sa propre étude depuis septembre 2022. Contrairement à certains de ses confrères, il n’a pas investi dans une étude existante en achetant les parts d’un associé. Il a pu créer sa propre étude. Il ne fait pas partie de ceux qui se rêvent très jeune à la tête de leur propre entreprise. L’envie d’entreprendre est arrivée au fil des années et des expériences. “J’avais besoin de liberté. De liberté dans mes choix. C’est aussi pour ça que je n’ai pas racheté des parts dans une étude existante. J’étais à la recherche d’une liberté totale.” Il revient avec nous sur son parcours et nous explique comment il est parvenu à créer sa propre étude.
Cet article n’a pas vocation à promouvoir une étude en particulier, mais à mettre en lumière ces personnes qui se passionnent pour de nombreux sujets, au-delà de leur cœur de métier.
Acquérir de l’expérience avant de se lancer
Certains entrepreneurs se reconnaîtront peut-être dans l’approche de notre portrait. Avant de voler de ses propres ailes, il a souhaité acquérir de l’expérience au sein de diverses études. Son objectif était de comprendre les problématiques auxquelles elles pouvaient faire face mais également de comprendre la manière dont l’activité pouvait être structurée selon la dimension et le lieu d’exercice de chacune d’elles.
Sa première longue expérience professionnelle, il l’a vécu au sein d’une petite étude située non loin de Carcassonne. Nous étions en 2016 et à cette époque l’étude n’en était qu’au début de son développement. Les équipes étaient en construction et “il y avait un énorme potentiel de développement”. Il s’agissait de son stage de fin d’étude, le stage de 2 ans qui précède le passage de l’examen final.
Une fois son diplôme en poche, ce dernier à intégré une étude toulousaine en tant que clerc habilité au constat. Même si le statut d’huissier salarié a été créé en 2010, il n’y avait pas d’offre pour ce poste au moment où il cherchait du travail “de manière générale, il y a beaucoup plus d’offres de poste pour des huissiers salariés en région parisienne qu’en province”. Cette expérience a été pour lui l’occasion d’intégrer une étude de taille intermédiaire dont l’activité était d’ores et déjà bien implantée sur le territoire. L’opportunité donc de découvrir une nouvelle organisation et d’acquérir de nouvelles compétences.
Au bout d’un an, il a fait le choix de partir à Paris et d’occuper le poste d’huissier salarié au sein d’une grosse étude. Son objectif était de découvrir l’organisation d’une plus grosse structure, de comprendre les process et de prendre en main les différents outils informatiques. Comme dans n’importe quelle entreprise, l’organisation des missions évolue non seulement en fonction du poste, mais surtout en fonction de la taille de la structure. Il souhaitait avoir toutes les cartes en main avant de se lancer seul à la tête de son affaire.
Partir d’une feuille blanche
S'étant nourri de ses expériences, ce professionnel est devenu entrepreneur “j’avais une envie d’entreprendre très forte, j’aurais pu me lancer dans une legaltech. J’avais vraiment cette soif de liberté”.
S’il exerce aujourd’hui le métier de commissaire de justice, c'est parce qu’une loi votée le 6 août 2015 facilite l’installation des jeunes huissiers et des femmes. On ne vous le cache pas, pour la plupart des huissiers, il fallait attendre de longues années avant d’avoir les moyens d’investir dans leur propre étude.
Cette loi, dite la loi Macron, permet à des commissaires de justice de créer leur propre étude sous certaines conditions.
Petite histoire des créations d’étude d’huissier de justice
Avant la loi pour la croissance et l’activité impulsée par le ministre de l’Économie Emmanuel Macron, un huissier de justice pouvait exercer sa fonction de 2 manières :
- en tant qu’huissier salarié au sein d’une structure existante
- en tant qu’huissier associé ou pleinement propriétaire d’une étude existante dont il avait racheté tout ou partie des parts.
Comme de nombreuses professions, il était impossible pour un commissaire de justice de créer sa propre étude où bon lui semblait.
La loi Macron, entrée en vigueur en 2016, contient tout un volet sur la liberté d’installation des commissaires de justice. Il faut savoir que depuis la révolution française, le nombre d’études en France n’avait pas évolué. Il nous explique “Les commissaires de justice se sont associés au fil des années, ce qui leur a permis de proposer davantage de services. Néanmoins, ces associations n’étaient pas suffisantes pour suivre l’évolution démographique de certaines régions”.
Avec cette nouvelle loi, une troisième façon d’exercer se présente alors aux huissiers de justice : la possibilité de créer leur propre étude.
Créer sa propre étude en 2022
Vous l’avez compris, il a bénéficié de ce dispositif pour se lancer.
Même si cette loi vise à offrir une liberté d’installation aux commissaires de justice, il ne s’agit pas pour cette profession de créer une structure comme on crée aujourd’hui une nouvelle entreprise. Les ouvertures de ces nouvelles études sont décidées tous les deux ans par l’Autorité de la concurrence qui publie une carte qui détermine, par zone, le nombre d’études qui devra être créé.
Ce professionnel a candidaté suite à la parution de la carte en février 2021. Il a déposé son dossier de candidature 7 mois plus tard, le 1er septembre 2021. 7 mois, c’est le temps nécessaire à la constitution d’un dossier de candidature complet. Les candidats n’ont qu'une seule et unique journée pour déposer leurs dossiers.
Chacun est libre de candidater dans autant de zones qu’il le souhaite. L’attribution des études se fait ensuite par tirage au sort. “J’ai candidaté dans plusieurs zones parce que je me disais que peu importe où j’aurais l’opportunité d’exercer, une fois installé, je me débrouillerais. Ce dispositif est une chance énorme et je ne voulais pas passer à côté.”
Une fois les dossiers déposés, il a dû attendre jusqu’au 18 novembre 2021 pour savoir s’il avait été tiré au sort. “À cette date, je savais que j’avais été tiré au sort pour une zone, mais je n’avais aucune idée de laquelle”.
Il a dû attendre juillet 2022 pour savoir officiellement où il avait été affecté “Entre temps, nous avions eu des informations sur l’ordre des tirages au sort, donc je savais approximativement où je pouvais être affecté”.
Lancer son activité
Trouver son marché
Ce commissaire de justice a officiellement prêté serment en septembre 2022, afin de pouvoir exercer au sein de sa propre étude de commissaires de justice.
Comme pour tout lancement d’entreprise, il lui a fallu passer par beaucoup d’étapes administratives pour pouvoir démarrer son activité, trouver des financements, s’équiper…
Pour commencer son activité, il s’est installé au sein d’un lieu de coworking en région parisienne. Ce bureau privé est idéal pour lui, pour commencer à se faire connaître et à travailler sans devoir investir immédiatement dans un lieu qui lui est propre.
Se faire connaître est le défi majeur auquel il fait face puisqu’il doit aujourd’hui démarrer une activité en partant d’une feuille blanche.
Son 1er challenge était d’être opérationnel avec notamment un site internet pour commencer à se faire connaître. Selon lui, cette présence digitale est primordiale lorsqu’on lance son activité.
Son second challenge est maintenant de trouver des clients. Contrairement à des entrepreneurs dans d’autres secteurs, les commissaires de justice ne peuvent pas faire de publicité. L'idée de ce dernier est donc de proposer une offre différenciante pour se faire connaître. Il propose par exemple le constat par drone, un constat demandé par les entreprises en région parisienne.
Il s’appuie également sur de nombreux outils digitaux pour se faire connaître et parler du métier de commissaire de justice. Même s’il reconnaît que “c’est compliqué de prendre la parole sur les réseaux sociaux en évoquant des sujets intéressants. Mais j’apprends au fur et à mesure”.
S’appuyer sur des pairs
Avant de se lancer seul, notre portrait présenté a pu s’appuyer sur des commissaires de justice déjà en activité, “des confrères m’ont été d’une grande aide en me partageant des conseils sur ce que je devais faire et ne pas faire”.
Aujourd’hui, il a aussi pour objectif de construire un groupe d’entraide entre jeunes professionnels pour permettre à chacun d’échanger sur des questions pratiques, des formalités administratives ou simplement de pouvoir partager leurs défis quotidiens “On est tous heureux de pouvoir aider un confrère en partageant notre expérience”.
Son objectif ne se limite pas aux jeunes commissaires de justice. Il souhaite inclure des jeunes clercs également pour que toutes les fonctions d’une étude puissent échanger et partager leurs bonnes pratiques.
Un grand merci à lui pour le partage de son expérience dans la création complète d’une étude.